La montée en puissance du DFM et de l’ADX a eu un impact économique majeur pour les Émirats arabes unis. D’une part, les privatisations partielles et levées de fonds sur ces marchés ont permis de financer des infrastructures stratégiques et de libérer des ressources pour l’investissement public. Par exemple, l’IPO de DEWA a non seulement apporté des capitaux frais à l’entreprise publique, mais aussi renforcé la liquidité du marché domestique en élargissant la base d’actionnaires. D’autre part, le dynamisme boursier stimule la diversification économique : les secteurs non pétroliers (services publics, télécoms, logistique, immobilier, santé, etc.) représentent une part croissante de la capitalisation, reflétant l’essor de ces industries. Les entreprises locales bénéficient de nouvelles sources de financement en fonds propres pour soutenir leur croissance, tandis que les investisseurs peuvent participer à la performance de l’économie nationale. Les marchés de capitaux renforcent également l’attractivité financière du pays. L’afflux de capitaux étrangers en est un indicateur : en 2022, l’ADX a enregistré des flux nets entrants de 24 milliards AED d’investissements étrangers, un niveau record porté par la confiance des investisseurs internationaux. De même, le DFM a attiré environ 5 milliards AED d’achats nets étrangers en 2022 (+167% sur un an), tendance prolongée en 2023 avec plus de 57 000 nouveaux comptes d’investisseurs ouverts (+12,5% sur un an). Cette élargissement du vivier d’investisseurs, combiné à l’augmentation de la liquidité (les transactions annuelles sur DFM ont bondi de 32,7 % en 2023), se traduit par une plus grande capacité du marché financier à soutenir l’économie réelle. In fine, la capitalisation boursière en forte hausse plus de 3,9 billions AED cumulés fin 2024 illustre le poids croissant des marchés de capitaux dans le financement national et la richesse économique globale du pays.
Les progrès récents des marchés émiratis s’expliquent en grande partie par des réformes et initiatives stratégiques menées par les autorités pour renforcer le secteur financier. Face à la concurrence des grandes bourses régionales (notamment l’Arabie saoudite) et après quelques années de relative stagnation, Dubaï a lancé fin 2021 un plan ambitieux pour revitaliser son marché boursier. Ce plan prévoyait la mise en Bourse de 10 entreprises publiques afin de porter la capitalisation du marché financier de l’émirat à 3 000 milliards AED. Sa mise en œuvre rapide avec quatre sociétés étatiques listées dès 2022 (dont DEWA) a envoyé un signal fort aux investisseurs. Parallèlement, deux fonds dédiés ont été créés à Dubaï pour soutenir la liquidité et les IPO : un fonds de 2 milliards AED pour l’animation de marché (market-maker) visant à accroître les volumes d’échange, et un fonds de 1 milliard AED pour encourager l’introduction en bourse de sociétés technologiques locales. Abu Dhabi avait engagé un mouvement similaire, faisant de l’ADX l’une des places les plus performantes de la région dès 2021-2022 grâce à un boom des IPO et à l’ouverture du marché aux investisseurs internationaux. L’ADX a notamment innové en accueillant des sociétés enregistrées en zone franche (ADGM) sur le marché principal à l’image de Fertiglobe en 2021 élargissant ainsi l’univers des émetteurs éligibles. Des réformes réglementaires ont accompagné cet essor, comme l’adoption d’un cadre modernisé pour les fonds d’investissement et la création à Dubaï de tribunaux spécialisés en matière financière pour sécuriser l’environnement juridique des affaires. De plus, l’harmonisation du marché émirati avec les pratiques internationales s’est accélérée (alignement de la semaine de cotation sur le calendrier occidental, développement d’indices ESG et de plateformes innovantes). En 2022, l’ADX a ainsi lancé un marché des produits dérivés et de nouveaux indices de référence en partenariat avec FTSE Russell, tandis que le DFM inaugurait en 2023 la première plateforme régionale d’échange de crédits-carbone durant la COP28. L’impact combiné de ces mesures est un essor durable de la place financière des EAU, caractérisée par une profondeur de marché accrue et une confiance renforcée des investisseurs. Fortes d’une économie en croissance (~4% de hausse du PIB réel attendue en 2024) et d’une base d’investisseurs élargie, les bourses de Dubaï et d’Abu Dhabi abordent l’avenir avec optimisme. Les tendances récentes afflux de capitaux, introductions en Bourse dynamiques et diversification des acteurs devraient se poursuivre, consolidant le rôle du DFM et de l’ADX comme piliers du financement et du développement économique des Émirats arabes unis.
Depuis 2021, le Dubai Financial Market et l’Abu Dhabi Securities Exchange sont le théâtre d’une véritable explosion d’introductions en Bourse, illustrant la mutation des Émirats arabes unis en centre régional incontournable pour les IPO. En 2023, alors que les marchés mondiaux ralentissaient, le Conseil de coopération du Golfe a vu se concrétiser 46 émissions pour un montant total de 10,79 milliards USD, dont 6,07 milliards USD provenant de huit IPO aux EAU, soit 56,3 % du total régional selon Kamco Invest. Cette dynamique s’inscrit dans la continuité d’une série d’opérations de grande ampleur lancées depuis 2022.
Les secteurs stratégiques ont été les premiers bénéficiaires de ce boom. Dans les services publics, l’IPO de DEWA (Dubai Electricity and Water Authority) en avril 2022 reste, avec 22,32 milliards AED (6,1 milliards USD), la plus importante jamais réalisée aux Émirats et la seconde plus grosse opération régionale depuis 2019. Du côté de l’énergie, l’émission d’ADNOC Gas au printemps 2023, plus importante des huit IPO de l’année, a illustré la volonté d’Abu Dhabi de valoriser ses actifs gaziers tout en attirant des investisseurs internationaux. Le secteur de la santé n’a pas été en reste : PureHealth, conglomérat de soins, a clôturé le peloton de tête des émissions régionales en levant près de 0,99 milliard USD lors de son introduction, témoignant de l’élargissement de l’offre aux conglomérats technologiques et médicaux.
Trois facteurs convergents expliquent l’essor des IPO : d’abord, la stratégie étatique de privatisations partielles, qui a permis de transférer une part significative du capital de sociétés publiques vers le marché boursier, renforçant la gouvernance et libérant des ressources pour de nouveaux projets (programmes de privatisation Reuters). Ensuite, le contexte de liquidités abondantes dopées par des revenus pétroliers élevés et une croissance non pétrolière robuste d’environ 5 % par an a incité fonds souverains et investisseurs privés à rechercher des actifs décorrélés des marchés développés. Enfin, l’attractivité internationale des bourses de Dubaï et d’Abu Dhabi, soutenue par des roadshows mondiaux et un encadrement réglementaire modernisé, a facilité l’accès aux investisseurs étrangers.
Au delà de la diversification sectorielle, ce mouvement a profondément renforcé la profondeur et l’efficience des marchés locaux : l’augmentation des flottants et des volumes d’échange a réduit les écarts acheteur vendeur et consolidé la confiance des gestionnaires d’actifs mondiaux, qui peuvent désormais déployer des capitaux importants sans influencer significativement les prix de marché. Les Émirats abordent 2025 forts d’une position de « powerhouse » des IPO, défiant la tendance mondiale et attirant toujours davantage de capitaux vers leur économie en mutation.
Le développement du marché obligataire et des sukuks a suivi la même dynamique que les actions, dotant les Émirats d’un écosystème de financement plus complet et résilient. Les obligations, qu’elles soient conventionnelles ou conformes à la charia, permettent aux émetteurs publics et privés de diversifier leurs sources de financement, tandis que les sukuks, en s’appuyant sur des actifs tangibles, attirent des investisseurs soucieux de conformité islamique. Abu Dhabi et Dubaï se sont ainsi affirmés comme des centres majeurs de la dette, renforçant la place financière émiratie sur la scène internationale.
En mai 2022, le gouvernement fédéral a lancé sa première émission d’obligations souveraines en dirhams, via des titres à deux, trois et cinq ans, établissant une courbe de rendement locale et offrant une référence pour le marché domestique. Cette initiative a ouvert la voie aux émissions d’entreprises : en janvier 2023, Emirates NBD a placé 1 milliard AED de dettes à trois ans, devenant la première banque à emprunter en monnaie locale depuis la création de la courbe de rendement. Parallèlement, le gouvernement a continué de solliciter les capitaux étrangers : une obligation de 1,5 milliard USD à dix ans, émise en juillet 2023, a été sursouscrite plus de quatre fois et affichait un coupon de 4,857 %, soit seulement 60 points de base au dessus du Trésor américain.
Le segment des obligations en dollars reste prépondérant pour les entreprises émiraties ; banques, compagnies aériennes et holdings souverains ont régulièrement émis des euro-obligations à maturités comprises entre 5 et 30 ans, profitant de taux historiquement bas avant la remontée récente des rendements. Ces émissions offrent aux investisseurs institutionnels un couple rendement risque attractif, compte tenu de la notation élevée de l’État (AA–) et de la stabilité du dirham arrimé au dollar.
Sur le front des sukuks, Nasdaq Dubai s’est imposé comme l’une des premières places mondiales : la valeur nominale totale des sukuks listés dépasse désormais 92,7 milliards USD, tandis que le montant global des titres de dette cotés frôle 136,2 milliards USD après l’ajout d’un sukuk de 1 milliard USD émis par Ras Al Khaimah en mars 2025. Cette profondeur de marché reflète le succès des instruments islamiques, enrichis depuis peu par des sukuks verts et durables, et par des maturités plus longues, jusqu’à 30 ans ou sous forme perpétuelle. Grâce à ce tandem obligations/sukuks, les Émirats offrent aujourd’hui aux émetteurs une gamme complète de financement, tout en consolidant leur statut de hub global pour les capitaux traditionnels et islamiques.
Le Dubai International Financial Centre (DIFC) et l’Abu Dhabi Global Market (ADGM) incarnent aujourd’hui la vocation des Émirats arabes unis à servir de plate formes financières mondiales, connectant les économies en croissance du Moyen Orient, de l’Afrique et de l’Asie du Sud (région MEASA) aux principaux centres de l’Europe, de l’Asie de l’Est et des Amériques. Avec plus de 15 ans d’existence, le DIFC s’est imposé comme un lieu de rencontre pour investisseurs et émetteurs de tous horizons, facilitant les flux de capitaux au sein d’une zone économique privilégiée.
Bénéficiant d’une position géographique stratégique et d’un fuseau horaire recouvrant partiellement les séances asiatiques le matin et européennes l’après midi, Dubaï et Abu Dhabi offrent un relai logistique et temporel unique. Cette configuration permet à un gestionnaire installé au DIFC de dialoguer avec ses homologues de Singapour avant de rejoindre les marchés londoniens sans interruption, renforçant l’attractivité des Émirats comme hub de traitement des transactions transfrontalières.
Les financial free zones du DIFC et de l’ADGM offrent un cadre juridique de common law anglaise, une fiscalité quasi nulle et des tribunaux indépendants anglophones, créant ainsi un environnement de confiance pour les institutions financières : plus d’un millier d’établissements se sont déjà installés au DIFC et, à fin juin 2024, l’ADGM comptait 112 sociétés de gestion de fonds, soit une progression de 20,5 % en un an. Ces structures autonomes attirent aussi bien des banques internationales que des fintech, des hedge funds et des family offices.
Depuis 2024, le flux de gestionnaires d’actifs internationaux est devenu spectaculaire : PGIM, division de gestion d’actifs de Prudential Financial (1 330 Md USD d’actifs sous gestion), a inauguré son premier bureau à l’ADGM en septembre 2024 pour se rapprocher des fonds souverains locaux et des investisseurs régionaux. Peu après, Nuveen (1,2 tn USD d’actifs) a choisi Abu Dhabi pour y ouvrir son premier bureau au Moyen Orient, confirmant l’émulation croissante entre les deux émirats.
Cette présence renforcée d’acteurs mondiaux se reflète dans les classements des centres financiers : selon le Global Financial Centres Index 2024, Dubaï figure au 16e rang mondial (1er en MEA) et Abu Dhabi au 35e (2e en MEA), soulignant leur maturation comme alternatives crédibles aux places établies.
Dans ce contexte, les Émirats arabes unis offrent un proposition d’investissement solide : leurs infrastructures de pointe, leur cadre réglementaire attractif et la confiance des investisseurs dans la résilience de leur économie (notamment l’immobilier, le tourisme et les infrastructures) créent un environnement propice à la croissance des actifs sous gestion et à l’émergence de nouvelles opportunités dans la région. En croisant Europe, Asie et Afrique, Dubaï et Abu Dhabi se sont affirmés comme les carrefours incontournables du capital global.
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