La stratégie nationale de la nation émiratie prévoit un investissement de plus de 40,8 milliards USD dans les capacités de production d’énergie renouvelable du pays d’ici 2030. Dans l’optique d’atténuer le risque de dépendance à l’exploitation des hydrocarbures, les Émirats arabes unis ont développé une stratégie leur permettant de se positionner comme une place financière montante, un pionnier du développement de nouvelles technologies et de l’exploitation d’énergies renouvelables. Il est ici question de présenter le contexte de risques propre aux Émirats arabes unis, les différentes stratégies d’atténuation et les opportunités financières à long terme. Tant par les principaux indicateurs de crédit, par les différents risques propres à la région, par les règlements financiers, la diversification des portefeuilles d’investissement, et les initiatives de projets innovants que par les opportunités financières à long terme, découlant principalement de l’investissement durable et du rayonnement international, il est possible de présenter, quantifier et comprendre le risque financier intrinsèque aux émirats d’Abou Dhabi et de Dubaï.
La comparaison des principaux indicateurs de risque souverain entre la région des Émirats Arabes Unis est et du Canada est présentée dans le tableau 1.
De manière générale, les Émirats Arabes Unis présentent un niveau de risque supérieur au Canada, Néanmoins, l’inflation semble plus contenue dans le pays du Moyen-Orient. Leur politique monétaire étant calquée à la politique américaine, cette dernière ayant augmenté les taux directeurs en 2023. Ainsi, le tableau exprime la nécessité d’une bonne gestion des risques financiers pour maintenir l’attractivité du pays auprès des investisseurs internationaux.
Il est ici question de présenter les principaux risques auxquelles la nation est exposée et le contexte dans lequel ils s’expriment.
Risque de concentration
En novembre 2024, la capitalisation des marchés d’actions émiratis (ADX et DFM) a atteint 1 000 milliards de dollars, surpassant celle de certains pays comme l’Italie ou le Brésil. Cependant, cette croissance s'accompagne d’un risque de concentration marqué, particulièrement visible à travers la prédominance du marché d’Abu Dhabi (ADX), qui représente à lui seul 80 % de la capitalisation boursière totale des Émirats. Ce phénomène est accentué par le poids écrasant d’International Holding Company, qui concentre 30 % de la capitalisation d’ADX, avec 60 % de ses actions détenues par la Royal Group, un conglomérat présidé par Son Altesse Cheikh Tahnoun bin Zayed Al Nahyan, frère du président des Émirats arabes unis.
En parallèle, le marché est dominé par des entreprises publiques, dont ADNOC et ses filiales qui représentent près de 10 % de la capitalisation totale (ADX ET DFM combinées). Cette forte concentration autour d’un nombre restreint d’acteurs, souvent liés à l’État, démontre un manque de profondeur et de diversification du marché boursier Émiratis. Par conséquent les marchés sont très peu liquides, enregistrant un nombre de transactions près de 300 fois moins importants que les bourses asiatiques de pareille taille.
Risques de marché
Abu Dhabi et Dubaï ne présentent pas le même profil économique. Représentant moins de 1 % du PIB de Dubaï, l’exploitation pétrolière ne fait pas partie des secteurs auxquels l’État est exposé. Le commerce de gros et de détail représente 25 % du PIB de la région, alors que les services financiers représentent 11 %. Classée comme la troisième ville la plus visitée au monde en 2023, avec 17 millions de visiteurs, la ville a vu le tourisme contribuer à 11,7 % de son PIB. L’immobilier est un autre pilier économique de la ville, avec près de 8 % du PIB en 2024. Ainsi, une dégradation de la conjoncture mondiale ou des fluctuations des marchés financiers entraîneraient des répercussions immédiates sur l’activité économique de l’émirat.
De l’autre côté, l’émirat d’Abou Dhabi reste encore très dépendant des recettes provenant des hydrocarbures, avec près de 90 % des réserves de la nation. Ce secteur représente près de 45 % du PIB de l’émirat et permet de générer près de 90 % de ses revenus. Cette dépendance au pétrole expose Abou Dhabi aux fluctuations des cours et de la demande mondiale d’énergie. Ainsi, une chute prolongée des prix du pétrole ou des efforts de transition énergétique très drastiques, réduisant la demande, pourraient avoir des effets néfastes sur l’économie de l’émirat et engendrer des conséquences sur l’attribution de capital dans ses efforts de diversification économique et industrielle.
Deux axes ont été identifiés concernant la stratégie de mitigation des risques financiers aux Émirats arabes unis, présentés dans la section précédente. Le premier découle des règlements adoptés, permettant de régir les activités économiques et financières de la nation. Le second se rattache à la diversification des portefeuilles et des produits d’investissement.
Règlements financiers
Aux Émirats arabes unis, le cadre réglementaire est soutenu par deux autorités de régulation. La Banque centrale est responsable de la politique monétaire, de la réglementation bancaire et de la surveillance des institutions financières. Cette dernière est responsable de l’indexation du dirham au dollar américain (1 USD = 3,6725 AED), permettant de renforcer la stabilité monétaire, de limiter le risque de change et d’assurer une prévisibilité des revenus pétroliers, libellés en dollars. D’un autre côté, la Securities and Commodities Authority (SCA) régule le secteur des valeurs mobilières et des investissements, assurant le respect des normes internationales en matière de transparence, de gouvernance et de protection des investisseurs, par la régulation des marchés financiers.
Ensuite, la création de zones franches telles que le Centre financier international de Dubaï (DIFC), régulé par la Dubai Financial Services Authority (DFSA), et le marché mondial d’Abou Dhabi (ADGM), sous l’autorité de la Financial Services Regulatory Authority (FSRA), tous deux des régulateurs indépendants de l’organisme gouvernemental, illustre la volonté des Émirats de fournir un cadre financier robuste et interpellant pour les investisseurs internationaux, aligné avec les différents standards internationaux, notamment pour ce qui est du blanchiment d’argent, des normes comptables internationales et du respect des accords de Bâle.
Enfin, plusieurs incitatifs d’attraction de capital et de talents internationaux ont été adoptés. La mise en place du visa doré et l’assouplissement des règles de participation au capital des entreprises en sont des exemples. Ainsi, depuis 2020, il est possible pour un étranger de posséder 100 % du capital d’une entreprise œuvrant sur le territoire émirati. Autrefois, le plafond était fixé à 49 %. Ce genre de réformes a consolidé l’attractivité du pays, en élargissant les opportunités d’investissement étranger.
Diversification des portefeuilles d’investissement
Toujours dans l’optique de mitiger les risques financiers, Abou Dhabi et Dubaï misent sur la diversification des portefeuilles d’investissement. En 2023, les Émirats ont attiré 16 milliards USD d’investissements directs étrangers, provenant notamment des États-Unis, d’Inde, du Royaume-Uni, de la France et de l’Arabie saoudite. À travers ce genre d’investissement, la nation permet de diriger les capitaux d’investisseurs dans des secteurs clés, notamment les services financiers, la technologie et l’innovation, le tourisme et l’hôtellerie. Les Émirats s’engagent à fournir un accès simplifié aux différents marchés, à l’aide d’un cadre réglementaire flexible, comme présenté ci-dessus.
Les investissements massifs dans les infrastructures renforcent la diversification du portefeuille de la région. Le projet emblématique de Palm Jumeirah, un archipel artificiel, représente un investissement de 12 milliards USD et incarne la volonté de Dubaï de rayonner comme destination touristique et résidentielle internationale unique. Une fois le terminal de passagers de l’aéroport international Al Maktoum, dont le coût total s’élève à 34,85 milliards USD, achevé, ce dernier deviendra le plus grand aéroport du monde, avec une capacité annuelle de 260 millions de passagers. Cette stratégie d’infrastructure s’étend aussi à Abou Dhabi, où 144 projets ont été approuvés en 2024, totalisant 18 milliards USD d’investissements dans le logement, l’éducation, le tourisme et les ressources naturelles. Ces derniers permettent à la région de profiter d’un rayonnement international et de contribuer à la diversification économique de la région.
Enfin, les investissements dans les innovations technologiques peuvent aussi être considérés comme une stratégie de diversification des portefeuilles d’investissement. Le G42 Expansion Fund, un fonds d’investissement en capital privé de 10 milliards de dollars USD, un partenariat entre G42, une société spécialisée en intelligence artificielle basée à Abou Dhabi, et le Abu Dhabi Growth Fund, un fonds souverain émirati, est un exemple d’allocation de capital dédié aux innovations technologiques au niveau de la mobilité intelligente, des énergies renouvelables, des infrastructures numériques, de la fintech et des soins de santé.
En plus des éléments présentés ci-dessus, les Émirats arabes unis ont identifié la transition énergétique comme un secteur stratégique de développement économique, mais aussi comme un levier de transformation sociétale. Allocatrices de capitaux, les banques du pays se sont engagées à mobiliser 270 milliards de dollars USD d’ici 2030, mais aussi à poser des actions concrètes, telles que le nettoyage de 14 des plus hauts sommets mondiaux et le nettoyage du fleuve Nil. Les banques participent à 30 % des émissions d’obligations vertes de toute la région du Moyen-Orient, consolidant leur position de meneurs du changement.
De plus, les services offerts s'étendent à des fonds d'investissement durables (FNB ESG), à des prêts verts, et à la mise en place d’initiatives structurantes, comme la création d’un groupe de travail aligné sur les recommandations de la TCFD (Task Force on Climate-related Financial Disclosures). Ce groupe vise à aider les institutions financières et les investisseurs à mesurer, gérer et divulguer les risques climatiques, consolidant ainsi la transparence et la confiance dans le marché émirati.
L’effort est également porté par les sociétés nationales. En 2023, Masdar a lancé 750 millions de dollars d’obligations vertes afin de financer ses projets mondiaux. Aujourd’hui, la société possède une capacité combinée de 20 GW d’énergie renouvelable, avec un objectif de 100 GW d’ici 2030.
Enfin, les EAU visent à porter la part des énergies propres dans le bouquet énergétique à 50 % d’ici 2050, avec une allocation budgétaire de près de 54 milliards de dollars USD d’ici 2030. Les investissements seront principalement attribués au déploiement de projets solaires, de centrales électriques et de barrages pour la collecte de réserves d’eau douce.
Ainsi, les engagements gouvernementaux et bancaires en matière de transition énergétique représentent une opportunité de positionner la nation comme une référence, tant au niveau de la diversification du bouquet énergétique que de la coopération entre les divers acteurs sociétaux.
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