Perspectives futures et gestion des risques climatiques aux Émirats arabes unis

Ahmed Mellouki

September 9, 2025

Environnemental

Introduction

Les Émirats arabes unis (EAU), en particulier les villes de Dubaï et Abou Dhabi, font face à d'importants défis environnementaux exacerbés par le changement climatique. L'augmentation des températures, le stress hydrique, la désertification et la montée du niveau de la mer mettent en péril non seulement leur modèle économique fortement dépendant des énergies fossiles, mais aussi la santé publique, le rythme de vie de la population et la résilience des infrastructures. Dans ce contexte, les EAU ont adopté diverses stratégies pour atténuer les risques climatiques et développer de nouvelles opportunités d’investissement dans les technologies climatiques. Cet article examine les défis climatiques spécifiques aux EAU, les stratégies mises en place pour gérer ces risques, ainsi que les opportunités d’investissement et les risques financiers liés à la transition énergétique.

1. Défis climatiques spécifiques aux Émirats

1.1 Désertification et stress hydrique

Les Émirats arabes unis sont situés dans l'une des régions les plus arides du monde, avec des précipitations annuelles inférieures à 100 mm. Cette sécheresse chronique est aggravée par des températures extrêmes qui accélèrent l'évaporation de l’eau de surface, accentuant ainsi la désertification et l’appauvrissement des sols. De plus, l’Agence de l’environnement d’Abou Dhabi souligne que la surexploitation des nappes phréatiques, principalement pour répondre aux besoins agricoles et urbains, entraîne une baisse alarmante du niveau des aquifères. Ce phénomène exacerbe le stress hydrique et compromet la durabilité des ressources en eau souterraine. Face à ce déficit en eau douce, les Émirats arabes unis dépendent fortement du dessalement de l’eau de mer, qui représente plus de 70 % de leur approvisionnement en eau potable. Bien que cette technologie permette de compenser le manque de précipitations, elle pose d’importants défis environnementaux et économiques. Le dessalement est un processus énergivore, nécessitant d’importantes quantités d’électricité, souvent produite à partir de combustibles fossiles, ce qui contribue aux émissions de gaz à effet de serre. De plus, les rejets de saumure dans le Golfe Persique augmentent la salinité des eaux côtières, menaçant les écosystèmes marins locaux. Ainsi, la gestion du stress hydrique aux Émirats est un enjeu majeur qui nécessite des solutions innovantes et durables pour concilier développement économique et préservation des ressources naturelles.

1.2 Augmentation des températures

Les températures estivales aux EAU dépassent régulièrement 50 °C, avec une augmentation moyenne de 1,5 °C observée au cours des trente dernières années. Cette tendance est préoccupante en raison de ses effets sur la santé publique, l’économie et les infrastructures. La demande en climatisation a explosé, augmentant la consommation d’énergie et exacerbant l’empreinte carbone du pays. La chaleur extrême réduit également la productivité des travailleurs en extérieur et met en péril la biodiversité locale.

1.3 Risques liés à l’élévation du niveau de la mer

L’élévation du niveau de la mer représente une menace majeure pour les infrastructures côtières des Émirats, en particulier à Dubaï et Abou Dhabi. Selon la Banque mondiale, une montée des eaux de seulement 1 mètre pourrait submerger jusqu'à 6 % du territoire des EAU, menaçant des projets emblématiques tels que Palm Jumeirah et The World Islands. L’érosion côtière et l’intrusion d’eau salée dans les aquifères souterrains compromettent également l’accès à l’eau potable.

1.4 Tempêtes de sable et pollution de l’air

Les EAU subissent régulièrement des tempêtes de sable qui réduisent la visibilité et aggravent les maladies respiratoires. En parallèle, la pollution de l’air, principalement due aux émissions industrielles et au transport, entraîne des coûts de santé publique élevés. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la pollution de l’air extérieur cause environ 1 872 décès prématurés par an aux EAU.

2. Stratégies pour atténuer les risques physiques liés aux changements climatiques

2.1 Gestion durable de l’eau

Face à la raréfaction de l’eau douce, les EAU ont investi dans des technologies de dessalement à faible consommation énergétique. Par ailleurs, des projets de recharge des aquifères et de réutilisation des eaux usées ont été mis en place. L’initiative "Water Security Strategy 2036" vise à diversifier les sources d’approvisionnement et à améliorer l’efficacité des infrastructures hydriques.

2.2 Développement des énergies renouvelables

Les EAU investissent massivement dans l’énergie solaire et l’éolien pour réduire leur dépendance aux hydrocarbures. Le parc solaire Mohammed bin Rashid Al Maktoum, qui vise une capacité de 5 000 MW d’ici 2030, est l’un des plus grands projets solaires au monde. En parallèle, le projet Noor Abu Dhabi fournit de l’énergie propre à 90 000 foyers.

2.3 Adaptation des infrastructures urbaines

Pour limiter l’effet des îlots de chaleur urbains, des initiatives telles que Masdar City à Abou Dhabi ont été lancées. Cette ville écologique est conçue pour réduire la consommation énergétique et encourager la mobilité durable grâce à des solutions innovantes telles que le transport autonome et les bâtiments à faible consommation énergétique.

2.4 Captage et stockage du carbone (CCS)

La société pétrolière ADNOC a mis en place un projet de captage et stockage du carbone visant à réduire les émissions industrielles. L’initiative "Al Reyadah" permet de capturer jusqu'à 800 000 tonnes de CO₂ par an, contribuant ainsi aux objectifs de réduction des émissions des EAU.

3. Opportunités d’investissement dans les technologies climatiques

3.1 Hydrogène vert

Les EAU ambitionnent de devenir un leader dans le marché mondial de l’hydrogène vert. Des projets tels que celui de Masdar visent à produire et exporter de l’hydrogène propre, avec un potentiel de croissance estimé à 400 milliards de dollars d’ici 2050. L’hydrogène vert est une alternative clé pour la décarbonisation des secteurs industriels et du transport.

3.2 Captage et stockage du carbone (CSC)

Avec l’augmentation des réglementations climatiques, la demande pour des solutions de captage du carbone est en hausse. Investir dans cette technologie offre un potentiel de rentabilité élevé, notamment grâce aux incitations gouvernementales et aux marchés du carbone émergents.

3.3 Technologies de surveillance climatique et d’intelligence artificielle

Les entreprises spécialisées dans l’IA appliquée à la prévision climatique et à la gestion des infrastructures durables bénéficient d’un marché en expansion. Le partenariat entre la société émiratie G42 et Nvidia illustre l’intérêt croissant pour ces innovations.

4. Risques financiers liés à la transition énergétique

4.1 Volatilité des actifs fossiles

Avec la transition énergétique mondiale, les actifs pétroliers et gaziers sont soumis à une volatilité accrue. La dépendance économique des EAU aux hydrocarbures pose un risque financier majeur, incitant les institutions à diversifier leurs portefeuilles vers des énergies propres.

4.2 Réglementations et taxes carbone

Les nouvelles réglementations internationales visant à taxer les émissions de carbone pourraient affecter la rentabilité des industries fossiles aux EAU. Les investisseurs institutionnels doivent anticiper ces évolutions pour minimiser leur exposition aux actifs à forte empreinte carbone.

4.3 Stranded assets

Le concept de "stranded assets" désigne les actifs énergétiques susceptibles de perdre de la valeur en raison de la transition énergétique. Les fonds souverains et les investisseurs privés cherchent ainsi à réorienter leurs capitaux vers des secteurs plus durables, comme les énergies renouvelables et les infrastructures vertes.

Conclusion

Les Émirats arabes unis font face à des défis climatiques complexes, mais ont mis en place des stratégies ambitieuses pour atténuer leurs effets. L’essor des énergies renouvelables, du captage de carbone et de l’hydrogène vert constitue une opportunité majeure pour les investisseurs. Toutefois, la transition énergétique comporte également des risques financiers que les institutions doivent anticiper. L’avenir des EAU dépendra de leur capacité à équilibrer croissance économique et durabilité environnementale.